L'image de la marche n'est pas mauvaise pour parler de la prière. Sa pratique ressemble beaucoup à la démarche de tous ceux qui partent à Compostelle ou vers d'autres horizons. Le premiers jours en sont bavards : le corps se plaint qui a oublié les longues marchent que pratiquaient nos ancêtres, la tête s'interroge sur la décision prise de se lancer à l'aventure, la mémoire est accaparé par ce qu'on a laissé derrière soi... Petit petit, le rythme se prend, le mouvement devient plus naturel, le corps s'assouplit et l'esprit se libère. Et bientôt, doucement, trouver du sens n'est plus nécessaire, les raisons et les motivations deviennent inutiles et inconsistantes : on vit, tout simplement. Et dans cette paix retrouvée, dans cet équilibe restauré, dans ce contentement, le silence ouvre sa voie.
Il faut oser prendre cette voie. Elle conduit à la découverte de l'Ami, à la découverte d'un supplément, d'un surcroît, d'un excès de paix, déquilibre et de contentement.
C'est le propre du mystère de Dieu de ne jamais être loin et de nous précéder toujours. C'est le propre du mystère de Dieu d'être immédiatement accessible, et pourtant beaucoup ne savent pas le trouver. Mystère sans mot, ineffable, comme tout véritable mystère, mais à peine plus loin que là où nos mots savent déjà nous porter. Il n'y faut qu'un petit pas de plus, un petit saut dans l'au-delà des mots.
Rémi Chéno, o.p.
-o-o-o-o-o-o-o-
Fais comme les mères avec leur nourrison.
Parle de tout et de rien,
ce que tu fais en ce moment,
ce que tu feras après,
des personnes que tu aimes,
des événements, du repas à préparer :
Tout de toi intéresse ton Père...
Détends-le en parlant de choses apparemment futiles...
ça le repose des clichés, des formules creuses et des intellectuels rasoirs...
et le sourire du nourrisson est une récompense sans commune mesure avec ce qu'on lui a raconté. A travers tout ce bruit, il n'a entendu qu'une musique :
"Je t'aime au-delà de tout ce que tu peux imaginer".
Fais comme tout le monde, dis :
Merci
Pardon
S'il-te-plaît
Je t'aime
Oblige-toi à les dire dans cette ordre,
même si tes souffrances, tes révoltes, tes incompréhensions te poussent à crier "S'il te plaît".
Et si vraiment tout va mal, commence par :
"Seigneur, toi seul me reste"...
ce qui est la manière la plus vraie de lui dire :
Merci d'être fidèle quoi qu'il arrive.
Merci d'être à mes côtés malgré mes défauts
Pardon d'avoir douté de toi.
Ne m'abandonne pas !
Redis la prière de tous les chrétiens, celle du Christ, le
Notre Père
Du temps de sainte Thérèse d'Avila, les femmes n'avaient droit comme instruction religieuse qu'au "Notre Père". Saint Thérèse leur écrivit une méditation sur chaque phrase... et elle est aujourd'hui une des rares saintes proclamée "docteur en théologie".
Si tu trouves l'expression trop froide, dis : "papa" ou "abba", des mots de vrais enfants, des mots qui traduisent tellement mieux une tendresse réciproque...
Dieu est une personne au coeur chaud, vibrant, affamé de tendresse : n'hésite pas à être sentimental.
Adopte un ton familier. Tu es en famille, comme un enfant avec ses parents, ses frères, ses soeurs.
Tu es naturel, toi-même, car, à eux, tu ne peux pas mentir : ils te connaissent trop bien.
Dieu, ton Père, aime ton vocabulaire, tes expressions, tes intonations de voix, ton accent, ta façon unique de t"exprimer.
Tu es inimitable.
Ne prive pas ton Père de ton originalité.
"Je ne sais pas dire je t'aime à quelqu'un que je ne vois pas ! "
Moi non plus.
Alors, contente toi de dire des mots gentils :
...la vie est belle avec toi.
...quand tu es là, tout va déjà mieux.
...qu'est-ce qui te ferait plaisir ?
...souris-moi encore.
...tu es toujours jeune.
...mets ta main sur mon épaule.
Dans un dialoghue entre fiancés, la phrase la plus importante, celle qui exprime le mieux l'amour réciproque, c'est le dernière :
"tais-toi et serre-moi dans tes bras !"
"Je n'ose pas demander !"
Ne demande rien pour toi, demande pour les autres;
Ton père sait ce dont tu as besoin.
Si tu dois demander que des "choses" changent,
que ce soit d'abord et surtout le coeur des personnes pour lesquelles tu pries.
"Je n'aime pas demander !"
Et pourtant, quel plaisir tu ferais à ton Père de lui donner une occasion de te faire plaisir!
Dans ce cas, remplace le "s'il-te-plait" par des "pourquoi"
Tu ne vas pas le priver du plaisir de t'enseigner !
...et tu n'as pas la prétention de tout savoir !
"Je ne sais pas quoi faire de mon corps !"
C'est sans importance.
Une déclaration d'amour ça se fait le plus souvent à l'improviste :
en conduisant,
en arrosant son jardin
en faisant la vaisselle
en mettant le couvert
en repeignant sa chambre
La seule condition nécessaire à une déclaration d'amour, c'est d'être en tête à tête.
Dieu te veut au naturel :
si tu es du sud, parle avec tes mains,
si tu es du nord, reste figé.
Le Seigneur se moque des apparences; il sonde les reins et les coeurs.
Tu veux quand même un conseil :
"souris".
Comme un nourrisson, d'un sourire total, parce que la chose la plus importante au monde, maintenant et à jamais, c'est que tu sois là, avec Lui...
Dieu est comme tout le monde : il aime rencontrer des gens heureux.
"Quand je prie, je ne sens rien ! "
Heureusement !
Sinon, ce ne serait pas un acte gratuit.
Ta récomprense, tu l'as déjà :
c'est d'être auprès d'une personne aimée et qui t'aime.
"Prier, c'est de l'enfantillage !"
Bravo;
Tu as trouvé le trésor caché dans tout acte de prière:
redevenir un enfant
...avec sa fraîcheur,
...avec son apétit de vivre,
...avec sa formidable aptitude au bonheur,
...avec sa spontanéité,
...avec sa confiance totale dans ses parents,
...avec son insouciance,
...avec son appétit d'apprendre,
...avec son sourire qui fait tomber toutes les barrières,
...avec ses fous rires,
...avec tous ses possibles,
...avec...
Prier, c'est rester jeune.
Anonyme du XXe siècle